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L’exploitation sans autorisation de la connexion Internet d’un voisin ou d’un autre utilisateur ne peut constituer une infraction que lorsque le réseau est protégé par un mot de passe.
Imaginons qu’un jour, nous nous asseyons devant notre ordinateur et que nous remarquons que notre réseau Internet domestique ne fonctionne pas, nous découvrons que, parmi les réseaux wi-fi disponibles, notre ordinateur détecte également celui du voisin d’à côté, et que ce dernier est « non protégé », c’est-à-dire sans mot de passe. Alors, pour se connecter et continuer à rester sur Internet, sans rien dire au titulaire du compte téléphonique, on se branche sur son wi-fi et on commence à surfer ; on en profite peut-être pour télécharger des films piratés. En bref, nous utilisons la connexion de quelqu’un d’autre « gratuitement ». Pouvons-nous le faire sans autorisation ou commettons-nous une infraction ? Quel préjudice le voisin pourrait-il nous reprocher s’il dispose d’une connexion illimitée (c’est-à-dire sans limite de la quantité de données téléchargées) ? Que prévoit la loi dans de tels cas ? Peut-on parler de vol de la connexion Internet, puisqu’il y a appropriation du bien d’autrui (bien qu’immatériel) ou, au contraire, ce comportement ne constitue-t-il pas une infraction ? En bref, que risque-t-on si l’on se connecte au réseau wi-fi d’une autre personne ? La question n’est pas aussi simple qu’il y paraît car, à l’heure actuelle, aucune règle ne prévoit une telle hypothèse.
A notre avis, la question doit être résolue de deux manières différentes, selon que le voisin a protégé ou non son réseau par un mot de passe.
Connexion non autorisée à un réseau protégé par un mot de passe
Se connecter à la connexion Internet d’un utilisateur de réseau wi-fi est un jeu d’enfant pour certains pirates. Avec certains logiciels, il est possible de forcer les identifiants d’accès et d’exploiter la connexion Internet d’autrui. Sans avoir besoin de s’embarrasser de compétences techniques en matière de piratage, il est également possible de deviner le mot de passe d’un voisin (beaucoup de gens utilisent encore leur date de naissance) ou de le découvrir par l’intermédiaire d’un tiers (par exemple un collègue de travail qui a accès à la ligne Internet de l’entreprise à laquelle les autres ne peuvent pas se connecter, et qui la diffuse pourtant parmi ses collègues). Mais que risque-t-on en se connectant au réseau wi-fi d’une autre personne ? Il est possible dans ce cas d’envisager l’infraction d’accès non autorisé à un système informatique indépendamment du dommage causé au voisin, étant donné que l’infraction est déjà déclenchée par le simple fait de pénétrer dans un système informatique protégé par des mesures de sécurité sans le consentement du propriétaire. En réalité, cette reconstruction n’a pas de base explicite dans la loi et pourrait être critiquée, étant donné que la connexion wi-fi n’est pas vraiment un « système informatique » comme peut l’être une base de données d’entreprise. En outre, dans le domaine du droit pénal, il est interdit de combler les vides juridiques par analogie, ce qui a pour conséquence que tout ce que la loi ne dit pas ne peut être déduit par interprétation. Il en résulte que, si le juge devait considérer qu’il n’est pas possible de parler d' »accès non autorisé à un système informatique », un tel comportement resterait dépourvu de toute sanction et le propriétaire du réseau Internet totalement dépourvu de protection.
Connexion non autorisée à un réseau protégé par un mot de passe
La situation est différente pour ceux qui laissent leur connexion Internet sans protection. Dans ce cas, comme il manque l’un des éléments de l’infraction d' »accès non autorisé à un système informatique » (c’est-à-dire la protection par des mesures de sécurité), cette infraction ne peut pas être commise si un inconnu se connecte au réseau Wi-Fi d’une autre personne.
Dans un tel cas, on pourrait distinguer deux situations différentes avec des solutions différentes :
- si le voisin dispose d’un contrat Internet forfaitaire : dans ce cas, le voisin dont la connexion Internet a été utilisée sans autorisation ne subit aucun préjudice, puisque le coût de la facture reste inchangé quelle que soit la quantité de données téléchargées pour surfer. Il n’y a pas non plus d’appropriation du bien de l’autre, puisque la connexion de l’un (même non autorisée) ne retire rien à l’autre. En l’absence de préjudice économique, il sera difficile de préfigurer une infraction. Et ce, toujours à condition que l’exploitation du réseau du voisin ne donne lieu à aucun délit (par exemple, des délits de pédopornographie, d’usurpation d’identité, de diffamation ou de violation des droits d’auteur) ; si tel était le cas, en effet, les autorités pourraient incriminer le propriétaire réel du réseau, avec le préjudice conséquent résultant du comportement illicite du tiers. En effet, les enquêtes sur la criminalité informatique identifient d’abord le propriétaire de la connexion comme responsable (son adresse IP est en effet identifiée), à moins qu’il ne puisse fournir un alibi pour son innocence ;
- si le voisin dispose d’une connexion de données limitée : dans ce cas, on peut parler de vol [2], puisque l’utilisation de kilobytes par l’utilisateur abusif prive le détenteur légitime de l’usage de son bien ou l’oblige à payer un supplément sur sa facture à la compagnie de téléphone. À cet égard, il convient de rappeler que l’infraction de vol concerne bien les biens meubles, mais qu’au sens du droit pénal, l’électricité et toute autre énergie ayant une valeur économique sont également considérées comme des « biens meubles ».